LE DESTIN TRAGIQUE DE SEAN FLYNN (partie 1)

Première moitié des années 80, Antenne 2 (pas encore France 2), diffuse tous les mercredis, en début d'après midi, un film d'aventure. J'ai 12 ans et je vais me frotter à un cinéma populaire Européen souvent réalisé par une équipe italienne. Je vais découvrir ainsi Le dollar troué avec Montgomery Wood (en fait Giuliano Gemma, mais c'est la mode dans les années 60 de se trouver un pseudonyme américain), Michel Strogoff avec Jonn Philipp Law (pas le meilleur, j'ai préféré enfant le feuilleton avec Raimund Hamstorf) ou encore Le retour d'Ivanhoé avec Mark Damon. Mais j'ai surtout le souvenir de deux autres films, très différends l'un de l'autre, mais tous les deux dédiés à l'aventure et à l'action avec le même interprète: Sean Flynn. D'abord Le signe de Zorro, une relecture à l'italienne du héros de Johnston Mc Culley avec Flynn n'interprétant pas Don Diego de La Vega mais un certain Don Ramon Martinez y Rayol (rien que ca!). Un héros à la tignasse blonde, seulement couvert d'un masque (déjà le covid???), ne prenant même pas la peine de se coiffer d'un chapeau. N'importe qui en temps normal le reconnaitrait mais c'est ça le cinéma: faire parfois passer des vessies pour des lanternes. En tout cas un divertissement plaisant pour cette coproduction Italo/Espagnole changeant nos repères sur le héros masqué que nous proposait Walt Disney et sa série. Quand au deuxième film, j'adorais son titre Cinq gars pour Singapour (moi qui adore les jeux de mots, c'était bien vu).
 Je n'ai découvert que récemment (en faisant cet article) que le scénario est tiré d'une aventure de OSS 117, la soixante sixième écrite par Jean Bruce. Mais pour des histoires obscures de droit, la production conserva le titre et la trame de l'histoire mais ne pu ni garder le nom du héros (Hubert Bonisseur de la Bath), ni son matricule; il fut appelé Art Smith, capitaine de son état. Et encore une fois, Sean Flynn faisait des merveilles dans ce film d'action bondissant et trépidant.
Quel destin que celui de Sean Flynn ! Avec une carrière de météore, sorte de James Dean du cinéma bis. Mais après tout, il n'eu jamais la vocation d'être acteur et de laisser une trace dans la légende du cinéma à contrario de son père le mythique Errol Flynn. Une seule chose le motivait: le goût de l'aventure. L'homme ne tenait pas en place, il rêvait de vitesse, de grands espaces, de visiter le monde. Jouer à l' aventurier dans des décors de carton pate ne lui suffisait pas, il voulait vraiment en devenir un et toucher du doigt le danger. Il y parvint mais il en mourra!


Pour bien comprendre l'histoire et le caractère de Sean Flynn, il faut remonter aux origines. Et donc parler de son père et de sa mère.
Errol Flynn, le papa donc, naquit en Australie (en Tasmanie pour être précis) en 1909. C'est un enfant turbulent qui donne du fil a retordre à ses parents. Très jeune, il touche à plusieurs métiers qui ont le même point commun entre eux: la dangerosité. En effet l'Australien est tour a tour chercheur d'or, pêcheur à la dynamite ou encore reporter pour photographier les chasseurs de tête sur le bord du fleuve Sepik.
En 1929, il est accusé du meurtre d'un indigène de la tribu des Garramuts, il assura lui même sa défense et fut pas inquiété.
Flynn est donc ce baroudeur, amateur de jolies femmes (quelques années après, en l'honneur des succès amoureux de la star, une expression sera même inventée pour les hommes qui collectionnent les conquêtes: "In like Flynn"), un grand bagarreur mais surtout un épicurien.
Tout naturellement, avec ce caractère flamboyant le producteur/réalisateur Charles Chauvel le remarque et lui donne le rôle de Fletcher Christian dans In the Wake of the Bounty (1933) sur la célèbre mutinerie maritime. Deux ans plus tard, Errol Flynn explose dans un film américain Capitaine Blood. Les succès s'enchainent: La charge de la brigade légère (1936), Les conquérants (1939), La caravane héroïque (1940), La charge fantastique (1941) ou encore Gentleman Jim (1942).  
Mais son rôle le plus emblématique c'est celui du "prince des voleurs" dans Les aventures de Robin des Bois en 1938 qui a émerveillé plusieurs générations. Cette production Warner Bros reste le point culminant de sa carrière et il devient la coqueluche du tout Hollywood.

La classe "à la Errol Flynn"

Quelques temps auparavant en 1934 le séducteur invétéré remarque une belle Française sur le Paris, un bateau qui l'amène à New York. Lili Damita, puisque c'est d'elle qui s'agit, le snobe totalement. Le Casanova est véxé, c'est une première qu'une femme l'éconduise. Heureusement ils se rencontreront à nouveau quelques mois plus tard et c'est le début d'une liaison tumultueuse qui dura une dizaine d'années.
La très belle Lili Damita et son mari Errol Flynn
Lili Damita (de son vrai nom Liliane Carré) est Française, elle est  née en Gironde en 1904. Elle succède à Mistinguett au Casino de Paris. Au début des années 20, elle devient aux USA une vedette du cinéma muet jouant pour les plus grands réalisateurs de l'époque: Michael Curtiz (qu'elle épousera en première noce), Georg Wilhem Pabst, Robert Wiene, Raoul Walsh ou encore Georges Cukor. Le passage au parlant est ,comme pour beaucoup d'acteurs, plus difficile et petit à petit, l'actrice s' éloigne des studios jusqu'à prendre une retraite précoce en 1937.
En 1935, sur un coup de tête et malgré une osmose précaire, Flynn et Lili décident de se marier à Yuma, en comité restreint.
Mais l'union s'avère compliquée, Lili est d'une jalousie maladie et comme Errol Flynn continue a "jouer" les séducteurs, de graves disputes éclatent. Le couple navigue à vue entre passion fougueuse et multiple séparations.
Malgré ce parcours amoureux digne des montagnes russes, Sean  Flynn voit le jour à la maternité de l'hôpital Cedar Sinai le 31 Mai 1941.
Pourtant, même avec cet heureux évènement, le couple a du mal a se relancer. Les frasques du père continuent, et la rancœur chez Lili augmente naturellement. De brouilles en réconciliations sur l'oreiller, ils finissent par mettre définitivement un terme à cette union en divorçant en 1942 ( pile un an jour pour jour après la naissance de Sean). Le garçon n'aura jamais le souvenir d'avoir vu ses parents ensemble.
C'est Lili qui obtient la garde de son fils. Errol, lui, le prend de temps en temps (surtout les étés) dans sa maison de Mulholand Drive, ou Sean rejoint la compagnie de ses demies sœurs (Errol s'étant remarié avec Nora Eddington en 1943 puis avec Patricia Wymore en 1950..). Et un peu plus tard, Errol l'amène plus régulièrement sur son bateau: le Zaca. Sean n'aura de cesse d'impressionner son père, cependant, ils ont toujours des rapports conflictuels.

Père et fils complices? C'est un peu plus compliqué que cela...
D'ailleurs Errol n'en a pas fini avec sa vie de patachon, les liaisons et les bagarres se multiplient, il est même accusé de viol par deux jeunes filles. Et pendant ce temps là, sa côte d'amour auprès des producteurs ne cesse de décroître, l'acteur accumule les bides à partir de la fin des années 40. Les dettes commencent à s'empiler, certains mois Errol Flynn aura du mal a payer la pension exorbitante que lui réclame Lili pour leurs fils.
C'est clair qu'Errol en a marre de jouer les aventuriers de pacotilles dans des productions au budget de moins en moins épais, il rêve de rôles plus profonds. Mais il doit se faire une raison, les grands studios ne le voient jouer que ça.
Sean adolescent, sa mère l'inscrit à la Black Foxe Military, une écolé militaire plutôt stricte. Sean n'y  fait que des bêtises, sûrement parce qu'il ne se sent pas à l'aise dans ce cadre trop strict. Consciente que son fils ne s'y épanouit pas, Lili Damita le désinscrira pour le remettre dans une école plus classique.
C'est à ce moment là qu'Errol souhaite se rapprocher de son fils. Elever un garçonnet ne l'intéresse pas vraiment, par contre il pense qu'il peut transmettre des choses à un ado. Mais il est extrêmement maladroit et en voulant se mettre son gosse dans la poche, il ne fait que l'éloigner. Par exemple il lui "paiera" une prostituée, et Sean devant le fait accompli refusera, par respect pour la jeune femme, d'aller plus loin avec la jeune femme, au grand dam de son paternel.
Une fois Sean rentre dans "le jeu" de son père en se battant contre d'autres hommes lors d'une soirée.
En 1957, alors que la carrière de l'australien est quasi au point mort, il accepte de jouer dans une série Anglaise de 26 épisodes, ou il est le fil conducteur: The Errol Flynn Theatre. D'ailleurs dans l'épisode The strange auction, Sean fait ses premiers pas de comédien pistonné par son père qui joue le rôle principal. L'épisode est tourné dans les studios Bray là ou seront réalisés quelques temps plus tard, les plus grands films de la Hammer. Belle parenthèse dans la scolarité du jeune garçon, mais pas vraiment de révélation pour le métier de saltimbanque.

Une scène de The strange auction assez révélatrice de l'entente entre les Flynn

Sean s'eclate plutôt dans le sport, c'est un très bon nageur et il rêve d'intégrer l'équipe olympique d'Australie (sa vraie nationalité, même si il n'y ai pas allé souvent). Il sort pas mal aves ses potes notamment avec son meilleur ami Georges Hamilton qui deviendra quelques années plus tard un acteur célèbre (Celui par qui le scandale arrive, Viva Maria, Le vampire de ces dames, Le parrain 3 ou encore la série Dynastie). C'est grâce à Georges d'ailleurs que Sean fait une apparition de quelques secondes dans Ces folles filles d'Eve en 1960).
Deux potes inséparables Georges Hamilton et Sean Flynn

Quand à Errol c'est la Bérézina, les propositions de tournage se réduisent comme peau de chagrin.
La faute à plusieurs facteurs: en premier lieu son alcoolisme qui ne l'aide pas vraiment à maîtriser ses textes, en plus les réalisateurs sentent bien qu'Errol vient cachetonner mais que l'envie n'y est plus. Et puis ses accointances politiques avec la gauche et son admiration pour le régime Castriste Cubain n'est pas vu d'un bon œil dans une Amérique qui même si il en finit seulement avec le Maccartysme, est encore pollué par ses chasses aux sorcières.
La mort, du a ses problèmes d'alcool, le fauche dans sa 50 ième année mais physiquement les derniers temps, il en paraissait 20 de plus...

Les derniers jours d'Errol Flynn
Sean, seulement 18 ans, est dévasté par la nouvelle, malgré les sentiments qu'il éprouvait pour Errol. Quoiqu'il en soit il a toujours admiré dans la figure paternelle, son gout immodéré pour le danger et l'aventure, c'est aussi ce qui l'anime. Et toute la vie, il n'aura de cesse de dépasser les exploits de jeunesse qu'a accomplit son père.
Quelques jours après sa mort, il dira d'ailleurs "Cette fin brutale me bouleverse. Dieu sait pourtant que j'ai souffert d'être le fils d'un tel homme, mais c'est seulement le jour ou il a disparu que je me mis à l'aimer d'avantage".
Mais il faut penser à l'avenir et en attendant la grande aventure, Sean continue sa scolarité en intégrant l'Université de Duke en Caroline du Nord ou il devient un des étudiants les plus "populaires" auprès de la gente féminine.
Mais Georges Hamilton, le bon pote, a l'idée de faire circuler des photos, par l'intermédiaire de son agent, de Sean auprès des professionnels du cinéma. Bingo! Joe Brown, habile producteur, a l'idée de monter un film sur le nom de Sean. Il va ainsi produire Le fils du Capitaine Blood. Pas bête, le corsaire fut le premier personnage important qu'interpréta Errol Flynn en 1935, avec un immense succès à la clé.

Et c'est parti, Sean accepte la proposition et le voila "embarqué" sur cette coproduction Italo/espagnole ou tout le monde parle au moins une de ses deux langues sauf Sean qui a un traducteur (son Français presque parfait l'aide aussi). Le tournage se passe en Espagne en "décors réels" et Sean qui s'attendait à être dans un grand film est un peu déçu. Mais il faut relativiser car il n'a jamais pris de cours de comédie et se retrouve quand même propulsé vedette du film. Donc a lui de montrer de quoi il est capable. Sa grande gentillesse, sa bonne éducation et son enthousiasme vont contrebalancer son inexpérience d'acteur.
Le film est tourné en 1961 et sort 1 an plus tard et c'est un succès. Sean, même si il n'a pas le feu sacré, a trouvé le tournage plutôt plaisant. De l'argent facilement gagné et une cote d'amour auprès des filles encore renforcée.
Sean se prend un appartement à Paris, au 6 Rue Nicolas Chuquet, et enchaine avec le tournage du Signe de Zorro. Le budget s'est réduit et une histoire de droit avec les héritiers de Mc Culley doit surement être la raison du titre anglais Duel at the Rio Grande. Le film s'avère agréable et remporte encore un joli succès notamment en France avec quasi 1,4 millions d'entrées.

Mais comment reconnaitre qui est Zorro avec un tel art de la dissimulation !!!
Sean continue dans un rôle un peu moins "boy scout "avec le méconnu Le train de Berlin est arrêté. L'acteur est plutôt fier de ce film, mais c'est un bide.
Alors il repart dans ce que l'on veut bien lui donner, et en l'occurrence avec le rôle d'un espion (on a est à peine un an après le carton de James Bond contre Dr No) dans Voir Venise et crever, une coproduction européenne ou il joue au côté de Pierre Mondy.
En parallèle des tournages, Sean se glisse dans la vie Parisienne. Il fréquente les endroits chics et on peut le voir dans les boites de nuit  à la mode .Il est régulièrement invité à gauche, à droite ou son côté "gendre idéal" et son accent américain font un carton. Au cours d'une représentation théâtrale , il rencontre Cooky Debidour, une jeune étudiante en art et en architecture. Mêlant amitié, amour et sexe, ils resteront toujours très proches.
Mais l'aventure va vraiment commencer lors de son voyage au Pakistan pour tourner un nouveau film...
(fin de la 1ère partie. A suivre...)

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