L' ITALO WESTERN OU WESTERN SPAGHETTI EN QUELQUES MOTS

Pour la petite histoire, j'ai envoyé un message via Messenger à Jean Francois Giré, grand spécialiste et auteur de plusieurs livres sur le sujet. Je lui ai demandé quel a été le véritable premier western Italien, et il m'a répondu ceci

" Le premier western Italien a été réalisé en 1913 par Vicenzo Leone, sous le pseudo de Roberto Roberti, le père de Sergio Leone. Le titre était La vampire indienne. Et c'est la propre mère de Sergio Leone, Bice Valerian qui joue le rôle-titre...

La vampire indienne (1913) réalisé par le propre père de Sergio Leone

Mais c'est quelques années plus tard, dans la première moitié des sixties, que le genre va véritablement éclore. Et je vous propose d'essayer d'en évoquer la genèse en quelques minutes. 

A l'aube des années 60 aux Etats Unis, le western est en perte de vitesse après deux décennies flamboyantes, et ce malgré quelques coups d'éclats comme Rio Bravo et Les sept mercenaires. D'autres genres émergent. Le public s'intéresse notamment au cinéma fantastique gothique produit par la Hammer, mais aussi des thrillers ou des comédies. Mais surtout la télévision commence à rentrer dans beaucoup de foyers Américains, et c'est par ce média que le western va continuer son chemin grâce a des séries comme Au nom de la loi, Maverick, Bonanza ou encore Le Virginien.

Doug Mc Clure et James Drury les deux héros de la série Le virginien

De l'autre coté de l'Océan, la vieille Europe  observe ça avec beaucoup de curiosité. Il faut dire que depuis le début du XXème siècle, les USA influencent les autres continents par leur style de vie, mais aussi par leur culture. 

L’Europe donc, décide de produire des westerns. L'Allemagne de l'ouest d'abord, puis l'Espagne s’attaque au genre sans vraiment le renouveler. 

Winnetou, un héros Indien interprété par un Breton dans une série de films Allemands !

Et enfin l'Italie, puisque là est notre sujet, décide aussi de tourner des westerns. Les Italiens, plus que les Français ou les Allemands, ont toujours été fasciné par les Usa, tant au niveau de la musique que du cinéma. C'est très curieux car ils ont une sorte de fascination/ répulsion pour ce pays à l'histoire finalement assez récente..  Il faut dire aussi que les stars Américaines dans ces années là sont considérés comme des mythes et elles ont une aura mondiale.

Donc après les films de pirates ou les péplums, nos amis Transalpins décident de dégainer les colts et ce des 1960 avec Un dollaro di fifa (qui n'est pas un film sur le foot).

Le premier western spaghetti réalisé dans les années 60, une comédie inédite en France.

Les premiers films se révèlent assez académiques et essayent de se rapprocher au plus près de leurs modèles Américains avec notamment en 1961 Le tueur de l'Oklahoma, en 1963 L'attaque de Fort Adams et en 1964 Duel au Texas et Django le proscrit.

L'attaque de Fort Adams (1964) avec Gordon Scott en Buffalo Bill

Mais cette même année 64, Sergio Leone décide de réaliser
Pour une poignée de dollars, un remake d'un film Japonais Yojimbo d'Akira Kurosawa.  Après avoir essuyé les refus de Charles Bronson et de James Coburn, il engage un jeune acteur Américain qu'il a repéré dans la série Rawhide, un certain Clint Eastwood... Et Il me semble que les critiques de l'époque ont même cherché à savoir quel acteur Italien se cachait derrière le pseudo de Clint Eastwood. 

Pour une poignée de dollars (1964)

Sergio Leone va dynamiter le genre en y injectant plus de cynisme et aussi plus de violence quasi sadique ce qui deviendra la marque de fabrique du western Italien rebaptisé par ses détracteurs "westerns spaghettis". Le film est un immense succès en Italie et partout dans le monde. Le nouveau phénomène cinématographique est lancé, il va va déferler sur la planète et perdurera jusqu'au milieu des années 70. L'Italie produira (souvent en copro avec d’autres pays Européens, le plus souvent l'Espagne ) plus de 500 westerns durant cette période. Et ça les arrange bien car produire un western est beaucoup moins couteux qu'un péplum par exemple.

Henry Fonda, Claudia Cardinale, Sergio Leone, Charles Bronson et Jason Robards, Il était une fois dans l'Ouest

Sergio Leone signera les plus grands succès avec la trilogie du dollar et Il était une fois dans l'ouest et dans son sillage deux autres Sergio suivront, Corbucci et Sollima. D'autres réalisateurs vont tirer leurs épingles du jeu: Antonio Margheriti, Enzo G castellari, Gian Franco Parolini, Giulo Petroni, Duccio Tessari ou encore Tonino Valerii... 

Les films seront sublimés par les compositions musicales de grands artistes, bien sur le maitre en la matière Ennio Morricone, mais n'oublions pas Riz Ortolani, Bruno Nicolai, Luis Bakalov ou encore Francesco De Masi.

Ennio Morricone

C'est pendant les fameuses Années de plomb, en plein contexte politique extrêmement difficile que la production de western se multiplie. Le genre puisant souvent son inspiration dans l'actualité  du moment. Les films se tourneront souvent du côté de L'Espagne et parfois même de la Yougoslavie.

Django (1966) avec Franco Nero

 Les Italiens se sont emparés a bras le corps du genre, en imposant leurs propres règles ce qui agacera fortement les puristes du western... Mais après tout, l'histoire de l'ouest Américain n'est pas la leur, d'ou un énorme détachement à son propos. 

Edition DVD Italienne pour Le grand Silence

Le genre va se décliner en sous genres: le western baroque comme  Django ou Le Grand Silence. Le western psychologique comme Le dernier jour de la colère ou La mort était au rendez-vous, le western politique avec Texas ou El chuncho, le western fantastique avec des films comme Et le vent apporta la violence ou Tire encore si tu peux. Et quand le filon va commencer à s'épuiser, le western comique va lui redonner un peu de peps avec la série des Trinita ou On l'appelle Alleluia.
Lee Van Cleef et John Philipp Law

L'Italo western a dépoussiéré le mythe Amércain, l'a débarrassé de ses oripeaux, et paradoxalement lui a redonné un nouvel élan. Et les Etats Unis, surfant sur la vague, reprennent, à leur compte, les "ficelles Italiennes": un dépouillement poussé à l'extrême, une dramaturgie grandiloquente, une violence proche du sadisme et surtout la grande amoralité des protagonistes. Ils produisent ainsi des films comme La horde sauvage, Bandolero, Violence à Jericho, L'homme de loi, L'homme des hautes plaines, Pendez les haut et court et biensur quelques années plus tard Django Unchained puis Les 8 salopards de Tarantino. La boucle est bouclée! Mais malgré cette bouffée d'oxygène, ce sera insuffisant pour que le phénix renaisse de ses cendres.
La horde sauvage, fabuleux film Américain, dans le sillage du Western Italien

D'ailleurs en Italie, malgré un dernier sursaut d'orgeuil en 1976 avec Keoma, une réussite à mettre à l'actif d'Enzo G Castellari, le western Italien se meurt. La poule aux oeux d'or à engendrer des poulets boiteux et on ne compte plus le nombre de navets indigestes produit les dernières années. Mais en Italie on sait rebondir et surtout on est écolo avant l'heure en recyclant les bonnes idées avec d'autres genres comme le giallo ou le thriller politique qui vont avoir beaucoup de succès.
Keoma (1976) d'Enzo G Castellari, le chant du cygne 

En 1994, le binôme Terence Hill et Bud Spencer revient dans Petit papa baston et un an plus tard E.B Clucher (Enzo Barboni) essaye de retrouver le succès en réalisant une suite aux aventures de Trinita avec deux jeunots Trinita e Bambino, e adesso tocca a noi... Le film est un échec, Hill et Spencer l'avaient flairé en refusant d'y participer. Ce sont deux américains Heath Kizzler et Keith Neubert, des parfaits inconnus et qui le resteront qui en interprètent les deux héros...  Les plus belles heures de "l'Italo western" sont derrière lui mais il reste ces centaines de films pour nous régaler... 

Bud Spencer et Terence Hill, les vrais Bambino et Trinita

Pour boucler ce petit résumé, finissons avec le grand maitre du genre, Sergio Leone. 

Quand on lui disait que les Italiens n'étaient pas légitimes pour réaliser des westerns se basant sur l'histoire des pionniers américains, Leone répondait quelque chose comme: " C’est eux qui ont commencé à tourner des péplums parlant de L'empire Romain... et pourtant ils n'étaient pas légitimes non plus, donc on a tout autant le droit de faire des westerns"

La plus belle affiche du western Italien

Je vais conclure avec la liste de mes quinze westerns spaghettis préférés.
Il n'y a pas d'ordre précis, à part pour le premier qui pour moi est tout au sommet de l'échelle.

1er: Le bon, la brute et le truand (1966) de Sergio Leone

puis ensuite par ordre chronologique
Le dollar troué (1965) de Gorgio Ferroni
Montgomery Wood alias Giulano Gemma dans Le dollar troué

Le retour de Ringo (1965) de Ducio Tessari
Et pour quelques dollars de plus (1965) de Sergio Leone
Django (1966) de Sergio Corbucci
Colorado (1966) de Sergio Sollima
Le derniere face à face (1967) de Sergio Sollima
Le dernier face à face

La mort était au rendez vous (1967) de Giulio Petroni
Le grand silence (1968) de Sergio Corbucci
La malle de San Antonio rebaptisé Pistolets pour un massacre (1968) d'Umberto Lenzi.

Il était une fois dans l'ouest (1968) de Sergio Leone
Il était une fois la révolution (1971) de Sergio Leone
On continue à l'appeler Trinita (1971) d'Enzo Barboni. (vu à sa ressortie en 1980 environ avec mon frère et mon cousin, un grand moment d'hilarité et de bonheur)
El magnifico (1972) d'Enzo Barboni (vu pendant mon enfance)
Zorro (1974) de Ducio Tessari (une Madeleine de Proust)
Alain Delon et Ottavia Piccolo dans Zorro (1974)


NB: A la base, cet article a été préparé pour le "Live" du vendredi 05 Mai sur le groupe Facebook. L'émission préparée par De nie était consacrée au Western Italien auquel participaient mes amis cinéphiles : De nie, Lorenzo Bis, Alexis Berger, B'haut parleur et François Bruwier.

Merci également à Nounay pour les corrections apportées.

Commentaires

  1. dans l'ensemble des films https://filmstreaming1.onl/ pour l'homme et l'esprit, quelles perceptions ont fonctionné ?

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