JEAN SARRUS, UNE INTERVIEW 100% CHARLOTS (2ième partie)

 Pour cette deuxième partie, nous retrouvons Jean Sarrus avec l' interview qu'il nous a accordé le jeudi 11 Février.


Stéphane Roulier. Il y a un autre projet qui vous tenait à cœur, c'est Charlots, Charlottes...

Un projet qui n'a jamais vu le jour.
      

Jean Sarrus.On était copain avec le réalisateur Bertrand Blier et à force de nous entendre raconter nos blagues et nos aventures, il a eu l'idée de s'inspirer de tout ça pour faire un film. Malheureusement, ça ne s'est pas fait parce que Christian Fechner s'y est opposé, il avait les moyens de le faire.

C'est là que se termine votre collaboration  avec lui? 

Bertrand Blier

Oui , il ne savait pas que Bertrand Blier passait souvent à la maison. Un jour Fechner me dit "Arrêtez d'être exigeant et faites moi pas chier, si je n’étais pas là, personne ne voudrait de vous". Je lui réponds "Tu en es sur? Ben justement y'a un Bertrand Blier". Fechner ça l'a archi vexé. Il venait de produire  Calmos de Bertrand justement et le film n'avait pas eu le succès escompté. Fechner a acheté le scénario de Charlots, Charlottes à Bertrand et... il l'a jeté à la poubelle. Bien sur Jean Guy, son frère, ne voit pas les choses de la même façon que nous, car il était très famille, très proche de son frère Christian.

Pour Jean Guy, ça du toujours être difficile, il faisait partie du groupe quasi depuis le début et en même temps c’était le frère du producteur. Il devait être constamment pris entre deux feux?

L'affiche japonaise de Bons baisers de Hong Kong
                  

Complètement. On n'en reparle pas trop ensemble. Et le peu qu'on en a parlé, il me donne sa version que je comprends. Mais, il n'avait pas les mêmes soucis que nous.

Après cette rupture artistique avec Christian Fechner, Jean Guy décide de suivre son frère et quitte le groupe. Et c'est là que vous créez votre propre société de production avec un nom qui m'a fait beaucoup rire...                           

Oui, Choucroute International Production (amusé). Pour des raisons de coproduction, il a fallu qu'on monte une société. C'est Gérard Rinaldi qui a trouvé le nom. Ça le faisait marrer d'imaginer les banquiers et les producteurs, assis autour d'une table, dire "Bon ,nous allons signer avec Choucroute Production".

Même là, vous ne vous preniez toujours pas au sérieux.        

Ah non, vraiment pas (Rires).

Mais les longs métrages qui suivent commencent à baisser en qualité, les gags sont moins visuels, moins burlesques... 

Complètement, il y avait moins l'esprit. On a été tellement malmené, qu'après c'était juste de l'alimentaire. En 1978, on est reparti pendant 2 ans sur la route avec la pièce "La cuisine des anges". Et ensuite on a cartonné à nouveau dans la chanson avec notamment "L'apérobic". 

En 1985, il y a une nouvelle expérience, l'animation d'une émission télé "Demain c'est dimanche" avec la belle Désirée Nosbusch. Des grandes stars sont invitées comme Johnny, Balavoine, Goldman...

Le programme TV du samedi 21 Septembre 1985
                

Michel Drucker avait décidé de prendre une année sabbatique. Et Antenne 2 (l'ancien France 2 NDLR) nous a demandé de succéder à Champs Elysées. Evidemment, on a dit oui. Mais Michel est revenu plus tôt que prévu, seulement 3 mois après.

C'était déjà dur pour lui de s'éloigner de la télé (Rires).   

Surtout que son frère, Jean Drucker, venait de prendre la direction de la chaîne. Tout naturellement, il a demandé à Michel de revenir. Mais bon, on est toujours resté en bon terme avec Michel. Il a toujours été sympa avec nous.

D'ailleurs, il vous a réuni tous les 5, en 2008, sur le plateau de Vivement Dimanche. 

Le "Vivement dimanche" du 06 Avril 2008 sur France 2
                                        

C'est le seul qui a réussi à faire ça, à ce qu'on soit tous ensemble comme au début.

Parce que vous n'aviez  pas la volonté de le faire vous?    

Chacun était parti de son côté et Jean Guy avait beaucoup souffert de la brouille avec son frangin. Luis Régo était, lui aussi, parti depuis longtemps, mais je crois qu'il avait regretté sa décision. Je n'en ai jamais parlé avec lui, mais il me semble que dans une interview, il avait dit qu'il regrettait d'avoir quitté les Charlots si vite. Il a fait une carrière solo.

Surtout que juste après son départ du groupe, il a joué dans Le furher en folie, un niveau au dessous des comédies des Charlots. 

Luis Rego
                                                   

Mais il est revenu dans les deux derniers films du groupe: Charlot connection et Le retour des Charlots.

Est ce après l'arrêt de Demain c'est dimanche, que Gérard Rinaldi quitte les Charlots?                                                

Oui, il a eu une proposition au théâtre pour jouer avec Christian Clavier et Marie Anne Chazel. La pièce s'appelait Double mixte, et était mise en scène par Pierre Mondy, avec des textes de Jean Loup Dabadie. Une belle affiche.

Comment avez vous vécu le départ de Gérard?

J'étais effondré. Mon pote Gérard nous quittait et d'un coup toute l'aventure s'arrêtait. C'était le Charlot dont j'étais le plus proche. Il était là depuis le début. On s'était connu bien avant Les Problèmes, et je lui avais demandé de rejoindre le groupe.

 Gérard parti, vous recrutez un peu plus tard Richard Bonnot. Il y a de nouveaux disques et en 1992, Jean, vous écrivez et réalisez Le retour des Charlots. Le film est un échec. Un passage difficile? 

                            

Pas difficile, mais un échec quand même. En le tournant, je m'en rendais compte. J'étais pas parti pour ça. Déjà le titre je ne l'aimais pas, mais comme je n'étais pas producteur, je n'avais pas mon mot à dire. Les producteurs avaient tenter un truc, mais ça sentait trop "le coup", la fabrication. Malgré tout, j'ai pris beaucoup de plaisir à le tourner, car écrire et réaliser un film, ça reste une belle expérience. Et puis il y a eu en même temps l'émission Country box.

Justement comment vous a t'on proposé d'animer cette émission?                                                                            

Je rencontre un copain dans un restaurant qui me demande ce que je deviens et je lui raconte que je venais de faire la musique pour un festival de bikers, de la country music exactement. Je ne savais pas qu'il était devenu producteur sur la chaîne Canal Jimmy. Trois ou quatre jours plus tard, je reçois un coup de fil et on me dit " On cherche un animateur pour une nouvelle émission qui parlera de Country music, si vous êtes d'accord on arrête de chercher parce que ce sera vous". Et hop c'était parti pour une aventure de 4 ans et demi remplie d'insouciance, de bonheur, de voyages. Ça me permettait d'aller aux Etats Unis pour interviewer des groupes et faire des reportages. La country, c'est un parent du rock'n roll. Ce sont les mêmes sources. C'est du rock soft. J'ai toujours aimé. Avec cette émission, je perpétuais mon amour pour la musique et ce fut une chance extraordinaire.

 Vous avez toujours du rebondir...                                          

Pour l'instant, j'ai eu une chance extraordinaire...

Mais pas que... C'est à la fin des années 2000 que vous retravaillez avec votre pote Gérard Rinaldi?               

En 2009, pour la tournée Age tendre et tête de bois. On est parti deux ans sur les routes ensemble. Quel plaisir de retrouvez Gérard et de se rendre compte qu'on était toujours des vieux potes. On n' avait même pas besoin de raconter notre vie, c'était la même lui et moi. Et malheureusement il nous quitte le 02 Mars 2012.

Outre la douleur de perdre votre ami, il faut rebondir a nouveau. Aviez vous d'autres projets en commun?         

Quand on est reparti ensemble sur les routes, on a vu qu'il n'y avait que des bons souvenirs ensemble. Un jour Gérard me dit "Tiens on nous propose un nouveau film ou on jouera tous les deux dedans". J'étais ravi. Il est décédé peu de temps après et bien sur le film ne s'est pas fait.

De quoi ça parlait? 

                                                        

C'était un peu baroque. Je jouais un comédien connu qui avait arrêté parce que ça ne marchait plus. Et Gérard jouait, je crois, un journaliste. On écrivait un scénario ensemble et tout ce qui était écrit dedans finissait par arriver en vrai. C'était ça l'histoire.

Après le décès de Gérard, il y a eu plein de choses encore. Une pièce de théâtre "Une clé pour deux", puis vous avez retrouvé Jean Guy et Richard pour le spectacle "100% Charlots". C'est comme ça qu'est venu l'idée d'un nouveau disque avec eux?  

  

On a refait un peu de scène ensemble. Et là, on a enregistré des nouveaux titres, on est resté 8 jours en studio à Liège. Maintenant, on est sur les mixages, il y a encore pleins de raccords à faire pour que ça sorte en Mai ou Juin. Et de mon côté, j'ai continué mon one man show commencé il y a 1 an. Ça s'appelle "Le Charlot fait son cinéma". Et je le reprendrais dès que la crise sanitaire sera terminée.

Justement, dans le groupe consacré aux Charlots sur Facebook, il y a eu beaucoup de questions concernant cette crise. Les gens qui vous aiment m'ont demandé si vous alliez faire des visios sur les réseaux sociaux avec votre spectacle?

                                                                  

J'ai entendu parler de ça, perso je n'en ai pas vu. Tu as pu en visionné toi? Ça donne quoi?

J'ai plutôt vu des musiciens que j'aime, comme Louis Bertignac ou Nono de Trust qui ont fait en direct des minis concerts acoustiques. C'était pas mal parce que c'était de la musique, mais je ne suis pas sur que ça fonctionne bien pour un show comique. Ce serait sûrement froid sans les rires du public...                                                                   

Oui, je n'ai pas d'avis là dessus parce que je n'en ai pas encore vu mais je pense aussi que ça doit être froid. Ce n'est pas comme un vrai spectacle ou l'artiste est présent devant son public. Non, je ne le sens pas bien le truc.

Une autre des questions posées était "Est ce que vous allez retrouver vos compères "des Vieilles fripouilles" (inspiré par Les vieilles canailles)? 

Les vieilles fripouilles
                         

C'est Alain Turban qui avait eu l'idée de nous réunir pour faire un peu de scène avec Gilles Dreux (le fameux chanteur d' "Alouette" NDLR) et on s'est bien amusé mais encore une fois tout s'est arrêté avec le covid.

Un des membres du groupe Facebook me dit que son fils est fan de vous aussi. Il y a encore deux jours (le mardi 09 février NDLR), Les bidasses s'en vont en guerre a  été rediffusé sur AB1, vous êtes suivis encore...

C'est étonnant, quand on les a fait, on ne pensait pas que ça pouvait durer sur la distance. Que ça tiendrait sur 20, 30 voire 40 ans.

On m'a demandé quel était le film préféré et celui que vous aimez le moins de votre filmographie?                               

Ma préférence va au Grand Bazar, mais j'aime aussi l'ambiance et l'insouciance qui régnait sur Les bidasses en folie et Les fous du stade. Et dans les moins, c'est Charlots connection.  Et aussi Les Charlots en délire que je n'ai pas aimé du tout. On s'est fait piéger sur ce film. La production nous a mis un metteur en scène qui n'en était pas vraiment un (Alain Basnier NDLR). On était un peu paumé dans ce truc. Le scénario était mal ficelé en plus. On pensait que ça pouvait s'arranger pendant le tournage, mais au contraire ça s'est empiré.

Pensez vous que dans la réussite de vos films, les seconds rôles avaient une place importante? Je pense par exemple à Jacques Seiler.  

L'affiche allemande des Bidasses s'en vont en guerre avec le regretté Jacques Seiler
                                                     

Absolument. Jacques était un mec très bien, un grand professionnel, il avait le même sens de l'humour que nous.On l'avait connu lors de l'enregistrement de l'émission télé "Tous en scène" en 1969. Et quand on nous a proposé Les bidasses en folie, on a immédiatement pensé que Jacques serait parfait pour jouer le sergent Bellec. Il avait le physique de l'emploi: grand, chauve avec l'air autoritaire.

Quels les projets que l'on puisse vous souhaiter?                      

Mon one man qui va redémarrer. Je suis aussi de très près l'évolution du disque et il y aura un clip qui suivra, certainement.

Merci Jean pour ce bon moment et pour votre disponibilité...

 Merci à toi, au revoir.



 

A lire les livres que Jean a écrit sur sa carrière et celle des Charlots:

Les Charlots, 120 ans de conneries (paru en 1984 aux Editions Scarabée et compagnie).

100% Charlots (paru en 2004 aux Editions Ramsay).



Définitivement Charlots (paru en 2012 aux Editions Grrr).



A lire aussi: 

Un livre de Thibault Decoster



Le n°24 de la revue Schnock paru en automne 2017

Les Charlots sur le net:

Je vous conseille l'excellent article, très pointu, sur la longue carrière des Charlots: tout. https://www.nanarland.com/personnalites/acteurs/les-acteurs-connotes/les-charlots.html

Un autre site extrêmement détaillé sur les Charlots vaut le détour. Tous leurs passages télés y sont recensés. Un vrai travail de fourmi. http://www.lafoliedescharlots.com.sitew.com/

Et aussi vous pouvez vous abonner au groupe Facebook "Les Charlots, souvenir d'un groupe culte". Et je voulais en remercier tous les membres qui m'ont soutenu pour cette interview. Ils sont trop nombreux pour que je puisse tous les citer mais ils se reconnaîtront. Désolé, je n'ai pas pu poser toutes les questions que vous m'aviez demandé, mais j’espère que vous avez eu du plaisir à lire cette interview.

Eddie Constantine, Johnny Hallyday et Les Charlots (Jean est à gauche)

Filmographie de Jean Sarrus

La grande java (1970). Un film de Philippe Clair avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "phil" Filipelli (Phil), Luis Régo, Francis Blanche et Corrine Le Poulain.

Les bidasses en folie (1971). Un film de Claude Zidi avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Luis Rego, Jacques Dufilho, Marion Game et Jacques Seiler.

Les fous du stade (1972). Un film de Claude Zidi avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Paul Preboist, Martine Kelly et Jacques Seiler.


Les Charlots font l'Espagne (1972). Un film de Jean Girault avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Jacques Legras et Katia Tchenko.

Cherchez l'intrus!

Je ne sais rien mais je dirais tout (1973). Un film de et avec Pierre Richard. Avec aussi Bernard Blier, Pierre Repp, Luis Rego, Danielle Minazzoli et les Charlots (non crédités qui font une apparition en bidasses à la fin du film).

Le grand bazar (1973). Un film de Claude Zidi. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Michel Galabru, Michel Serrault et Coluche.

Une scène mémorable avec Coluche

Les 4 Charlots mousquetaires (1974). Un film d'André Hunebelle. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Joséphine Chaplin, Bernard Haller, Karin Petersen, Jacques Seiler et Daniel Ceccaldi

A nous 4 Cardinal (1974). Avec la même équipe que le précédent.

Les bidasses s'en vont en guerre (1974). Un film de Claude Zidi. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Jacques Seiler, Marisa Merlini et Paolo Stoppa.

Bons baisers de Hong Kong (1975). Un film d'Yvan Chiffre. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Jean Guy Fechner, Gérard "Phil" Filipelli, Mickey Rooney, Clifton James, Huguette Frunfrock, Louis Seigner, Lois Maxwell, Bernard Lee et Jeane Manson.

Trop c'est trop (1975). Un film de et avec Didier Kaminka et Pierre Beuchot. Avec aussi Claude Jade, Gérard Beller, Darry Cowl, Philippe Ogouz, Chantal Goya, Bernard Menez, Pierre Richard et Les Charlots (apparition). 

Et vive la liberté (1978). Un film de Serge Korber. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard "Phil" Filipelli, Claude Pieplu, Georges Géret, Pierre Maguelon, Bézu et Dani.

Géret, Pieplu et Maguelon, des seconds rôles en or

Les charlots en délire (1979). Un film de Serge Basnier. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard "Phil" Filipelli, Charles Gérard, Henri Guybet et Eric Charden.

Les Charlots contre Dracula (1980). Un film de Jean Pierre Desagnat. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard "Phil" Filipelli, Andréas Voutsinas, Gérard Jugnot et Dora Doll.


Le retour des bidasses en folie (1983). Un film de Michel Vocoret avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard "Phil" Filipelli, Luis Rego, Paulette Dubost, Jacques Jouanneau et Roger Carel.

Charlots Connection (1984). Un film de Jean Couturier. Avec Jean Sarrus, Gérard Rinaldi, Gérard "Phil" Filipelli, Alexandra Stewart, Henri Garcin, Franck Olivier Bonnet et Gérard Blanchard.

Le retour des Charlots (1992). Un film de et avec Jean Sarrus. Et aussi Gérard "Phil" Filipelli, Richard Bonnot, Guy Monagné, Jango Edwards et Luis Rego.

Un grand cri d'amour (1998) Un film de et avec Josiane Balasko. Avec aussi Richard Berry, Daniel Ceccaldi, Daniel Prevost et Jean Sarrus.


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