JEAN SARRUS, UNE INTERVIEW 100 % CHARLOTS (1ere partie)

 


Quel plaisir de retrouver Jean Sarrus et de l’interviewer pour notre blog 100% fan de cinéma.Véritable couteau suisse dans le milieu artistique Français, Jean possède une carrière incroyable. Il a fait parti du groupe comique le plus populaire du cinéma Français. Les Charlots ont joué dans des centaines de concerts, vendu des millions de disques avec des succès imparables: "Les play bois, Cache le piano, Paulette la reine des paupiettes, Sois érotique, Merci patron, Chagrin d'labour ou encore L'apérobic"... Et au cinéma ce fut un carton incroyable, 40 millions d'entrées au total en France. Dans les années 70, leurs films font plus de recette que les champions en titre du box office: Louis de Funès et Jean Paul Belmondo.

Les Charlots ont fait rire les enfants, mais aussi leurs parents. C'était notre "Madeleine de Proust" à nous. Mais leur notoriété va dépasser les frontières, leurs films vont  cartonner dans le monde entier et ils deviennent de véritables stars  Mais on n'oublie pas que Jean a aussi joué dans plusieurs pièces de théâtre, a été animateur TV et radio Il a écrit des livres, a été scénariste de BD et a même scénarisé et réalisé un film. J'ai beau chercher, une carrière comme la sienne, c'est rare, voire inédit.

Stéphane Roulier. Bonjour Jean, comment un artiste comme vous occupe cette période particulière due à la crise sanitaire?

Jean Sarrus. C'est vrai qu'il y a des grandes vacances là. Mais quand même, on bosse. Avec mes potes, on prépare des choses en espérant que ça rentre dans l'ordre assez vite. Avec Jean Guy Fechner et Richard Bonnot (deux autres membres des Charlots NDLR), on travaille sur un disque de chansons nouvelles. On a enregistré les chansons, on est entrain de les retravailler, les mixer pour que ce soit près pour le mois de Mai.

Richard Bonnot, Jean Sarrus et Jean Guy Fechner

Ah très bien! Quand j'ai annoncé au groupe Facebook "Les charlots, souvenirs d'un groupe culte"que j'allais faire une interview de vous, c'est une des questions qui est revenue souvent: "Quels seraient vos projets"?                                             

Voila des chansons toutes neuves. J'ai aussi mon one man show "Le Charlot fait son cinéma". C'est vrai qu'en ce moment, il n'y a pas de gala, mais c'est ainsi pour tous les artistes. Par contre le public me manque.

                                                             

Et vu les réactions sur le groupe, vous manquez au public. Je voudrais qu'on parle de votre carrière exceptionnelle. Les Charlots ont vendu des millions de disques, ont établi des records au box office Français, ce qui a crée une "véritable Charlotmania". A l'étranger ce fut dingue aussi...


 Oui, en Asie, en Amérique du Sud, en Russie 


                                                         
   
           

La Russie aussi, ou vous détenez un record, celui du nombre d'entrées pour un film Français, 56 millions avec Les 4 Charlots mousquetaires (1974). Incroyable!                                                 

Oui, c'est étonnant et ça fait plaisir.

                                                                  

Vous avez écrit trois bouquins dont le dernier en 2012, mais vous avez aussi fait de la radio...                                               

A St Tropez. Je suis d'ailleurs originaire d'un petit village juste à côté de St Trop: La Garde Freinet  Et j'ai fait quelques saisons à Radio St Tropez comme animateur. 

Jean et Laurent Violet à Radio St Tropez
                                                  

Avec Laurent Violet, l'humoriste...                                     

Exact, il nous a quitté malheureusement il y a quelques années (en 2015 NDLR). Il y avait aussi Sylvain Collaro, le frère de Stéphane.                                                   

Et vous avez aussi fait du théâtre et réalisé un film. Récemment, vous avez même participé à une BD consacrée aux Charlots... 

                                                   

Ça s'appelle La grande blanchisserie. Au départ c'est une pièce que j'avais écrit avec mon amie Sandra Mainguené, mais à cause du Covid, elle n'a pas pu se monter. On a donc décidé de la transformer en BD (avec Jérôme Eho aux dessins NDLR). On peut déjà la trouver sur le net, mais la sortie en librairie se fera à la mi Avril.     

C'est quand même un parcours exceptionnel, il n'y a pas beaucoup d'artistes en France qui peuvent se vanter d'en avoir un similaire. Vous avez même écrit la musique de plusieurs des films des Charlots...

                 

Pratiquement tous. Mais on était un groupe, la musique ça a toujours été notre truc. Faire la bande originale des films, c'est un plaisir... et c'est pas compliqué: on illustre des images. On s'est bien amusé à faire ça.                                                                      

 Pourtant quand je lis vos interviews, j'ai parfois l'impression que vous minimisez cette carrière. Vous êtes très "second degré"sur ce qui s'est passé.                        

C'est possible que ça transparaisse comme ça, parce qu'on n'a jamais rien pris au sérieux. On a toujours fait les choses en s'amusant. Avec de la chance et un peu de talent, ça a fonctionné (Rires).                                                          

Au sein des Charlots, j'ai toujours pensé que vous en étiez la force motrice, la pierre angulaire... 

                              

C'est ce que m'a dit Jean Guy Fechner il n'y a pas longtemps. Mais bon, on était un groupe et chacun donnait son avis et apportait son grain de sel. Phil était discret, mais n'empêche... Et Gérard Rinaldi était le plumitif, celui qui écrivait. Et tout ça faisait une équipe, une bande de potes.                                                   

En 1965, avant de vous appelez Les Charlots, votre nom de scène est Les Problèmes. Le groupe est très influencé par Bob Dylan et ses protest songs...                                       

Les protest songs et le rock 'n roll bien sur. Encore que Rinaldi, qui jouait du saxophone, était plutôt jazz. Il aimait John Coltrane par exemple. Il se débrouillait très bien au sax. On était complètement immergé dans la musique.                                                                               

En parlant de musique, il y a un fait d'armes étonnant et peu connu du grand public. Les Problèmes font la première partie des Rolling Stones...                                                  

Oui à l'Olympia avec Antoine. On avait un set juste avant eux. Mais on ne se rendait pas compte, on faisait ça dans l'insouciance la plus totale. Et pourtant les Stones étaient déjà des grandes stars et Mick Jagger une véritable idole des jeunes.                                                                                 

Après une émission TV "Tous en scène", on remarque votre autodérision et on vous propose de tourner votre 1er film La grande java qui sort en 1970.

                         

Avec Francis Blanche, un grand acteur. Dans la vie, il était exactement le même, aussi drôle qu'à l'écran. C'est avec lui qu'on a découvert le cinéma. Avant ça, on n'y connaissait rien du tout. On a tout appris sur place.                                                            

C'était Philippe Clair, le réalisateur?                                     

Oui. Il nous a quitté au mois de Novembre l'année dernière.                                                

Un personnage fantasque je crois?                                      

Le pied noir dans toute sa splendeur. Il était très drôle. Il avait créer au théâtre la pièce: "Purée de nous autres" (rires). Il a fait aussi beaucoup de films avec Galabru mais aussi Aldo Maccione notamment Plus beau que mois tu meurs. C'est sur le tournage de La grande Java qu'on a connu Claude Zidi qui était chef opérateur. On s'est bien entendu avec lui. Après ce film, un producteur nous a proposé Les bidasses en folie avec Zidi à la réalisation pour la 1ère fois.                                                    

Oui, en 1971, le film fait plus de 7 millions d'entrées, le deuxième plus gros succès annuel (derrière  Les aristochats NDLR). Et en même temps sort votre tube "Merci patron". Une année faste...  Dans quelles mesures ça a changé votre vie? 

                                                    

On ne s'en rend pas vraiment compte au début, et puis d'un seul coup plus rien n'est pareil. On avait fait quelques succès avant mais rien de comparable avec l'énormité des Bidasses en folie. Et là les films s’enchaînent: Les fous du stade, La grande java ou encore Les bidasses s'en vont en guerre.

Ces films sont distribués dans le monde entier. A ce propos, Jean Guy Fechner explique qu'un de vos films est toujours devant Titanic au box office Indien.                       

C'est ça, c'est étonnant.                                                               

En Italie, les distributeurs décident d'appeler Les Charlots, Les Cinque matti (les 5 fous)…                          

Effectivement, dans tous les pays du monde, on nous a appelé "Les 5 fous". Dans les pays Anglo saxon, ça se disait "The five crazy boys". Et d'ailleurs quand on est passé à 4 membres puis à 3, c'était toujours "Les 5 fous" (rires), c'était drôle ça.                                            

On ne s'en rend pas vraiment compte aujourd'hui, mais à l'époque les films des Charlots avait un côté subversif contre les institutions: la police, l'armée mais aussi l'autorité parentale... 

Le 45 tours avec la balade à Luis Rego
                                                     

On était un peu chahuteur. Déjà avec Antoine d'ailleurs, on était dans la subversion. On aimait Bob Dylan pour ça et on voulait le faire " à la Française"... Luis Régo, qui était avec nous au début, était emprisonné au Portugal (son pays natal). Il était accusé de désertion  (pour éviter un service militaire de 2 ans dans les colonies en Angola et pour fuir la dictature du Général Salazar NDLR). A cette occasion, on avait créé la chanson "Balade pour Luis Régo, prisonnier politique"    

Il a été libéré assez rapidement?                                              

Oui, un peu grâce à cette chanson d'ailleurs. On la chantait à L'Olympia. Et à la fin d'un concert, on a eu la visite de l’ambassadeur et du consul Portugais. Ils nous ont demandé d'arrêter de la chanter, et en échange de quoi, ils nous rendaient Luis. Et il est rentré en France. 

Au dos du 33 tours

                                                 

En 1973, vous tournez Le grand bazar, là encore, ça va plus loin qu'une simple comédie, car c'est aussi une satire sociale toujours d'actualité, les petits magasins contre les grands...                                                                

Souvent sur le net, je vois des blagues avec nos ministres et notre président ensemble. Et au dessus, comme une affiche de film, il y a marqué Le grand bazar. Ça me fait beaucoup rire.                         

Sur ce tournage justement, quels étaient vos rapports avec ces deux monstres sacrés du cinéma Français que sont Michel Serrault et Michel Galabru?

Avec Serrault, ça a été plus difficile. Pas vraiment

 de grosses tensions, mais il préparait en même temps 
La cage aux folles. Il ne se mêlait pas trop aux autres. Entre les prises, il retournait dans sa caravane et les 3/4 du temps, il se reposait et dormait. Mais quand on tournait ça allait. Quand à Michel Galabru, c'était un copain, ça aurait pu être un Charlot. Il était formidable avec nous, on a beaucoup rigolé ensemble. Il déconnait beaucoup sur la vie, sur les gens. Ce qui est drôle avec Le grand bazar, c'est qu'on a tourné dans un grand magasin qui faisait partie du groupe Euromarché. On a fait les prises sans vraiment prévenir les gens. Les clients qu'on voit dans le film étaient des vrais clients. Y'en a même qu'on a du doubler en post synchronisation pour leur faire dire autre chose. Parce que certains se retournaient et disaient tout fort "Oh regarde, c'est Michel Galabru". Et dans le film, ça donnait "Oh regarde, les prix ont augmenté" (rires).
Sur le tournage du film Le grand bazar
                                                                                                             

A l'époque, c'est Christian Fechner votre producteur ou est ce vous qui choisissiez les projets?                               

Christian Fechner avait  une place importante dans les décisions. C'est lui qui s’occupait de tout. Peu à peu, il avait pris de l'emprise sur nous.                                                         

Vous dites, d'ailleurs, que de votre côté, les contrats n'étaient pas terribles...                                                    

Exactement. Au début, on était tellement content de faire du cinéma, qu'on a totalement négligé les aspects juridiques. Mais c'est pas grave, on était entre copains. 

                                                                                      
En 75, c'est Bons baisers de Hong Kong, le dernier film sous l'ère Fechner. Avec l'acteur américain Mickey Rooney et aussi la participation des acteurs de la franchise James Bond: Lois Maxwell qui reprend son rôle de Miss Moneypenny et Bernard Lee qui nous refait M le boss de 007

Tout à fait. Et Jeane Manson dans son premier rôle au cinéma. Elle est venue en France exprès pour ce film et depuis elle y est restée. Elle jouait le rôle d'une chanteuse qui était en fait une espionne américaine.                                                      

Le tournage fut épique...                                                       

Oui, c'était drôle. On était déjà très connu là bas. Dans la rue, les gens nous interpellaient "Oh, Crazy boys, give me an autograph"! 

                                                                

D'ailleurs, quelle est votre plus grosse déconnade sur un tournage?

Y'en a eu tellement. Mais ce qu'on faisait souvent, c'était organiser des fêtes le soir avec des thèmes. Un thème que l'on adorait, c'était Noël, quel que soit le moment de l'année. On prévenait l'équipe technique et les autres acteurs et on annonçait " Tiens, tel jour c'est Noël". Et on faisait un dîner avec la dinde aux marrons, un sapin , des cadeaux (Rires).                                                                                     

Pour l'occasion, vous deviez rechanter le délirant "Der Noël von Charlots"...                                                                 

Tiens, bien sur!                                                                                         

Dans votre carrière, les projets avortés sont presque aussi célèbres que les films tournés. Je pense notamment à celui avec Louis de Funès... 

                                                              

Il devait avoir pour titre Merci patron! Louis de Funès devait jouer le patron d'une usine et nous étions ses ouvriers. Et on le kidnappait. Pendant Mai 68, il est arrivé que des patrons se fassent séquestrer par leurs employés pour des négociations. C'est comme ça que l'idée du film est venue, on séquestrait Louis de Funès (rires).                                                                                 

Et le projet Les Charlots au Far West? 

1975, le projet d'affiche dessiné par Ted Benoit

John Wayne avait donné son accord pour jouer dedans. On aurait probablement fait un des derniers films de sa carrière. Malheureusement, ces deux films là n'ont pas vu le jour car on s'est fâché avec notre producteur Christian Fechner...                                      

 

Au départ, le projet était pour eux.

Fin de la partie 1 

   

 

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