BECOMING BOND

Un dimanche de 2 ième confinement, en furetant pour voir quels replays proposait la chaîne Histoire, j'ai eu la jolie surprise de tomber sur un documentaire concernant l'aventure incroyable de George Lazenby. Celui que les médias surnommeraient bientôt "002 et demi" allait devenir une nouvelle icone médiatique. Comment? En incarnant le successeur de Sean Connery dans le rôle le plus convoité de la planète: James Bond. Sous forme de docu fiction, l'Australien venant d'une famille modeste  raconte son ascension jusque obtenir le Graal suprême.

Le doc s'appelle Becoming Bond (être ou ne pas être James Bond, son titre Français), et c'est vrai que j'ai été étonné de le trouver sur Histoire... Après l'avoir visionné, l'objet est sympathique, amusant avec quelques passages grivois. D'ailleurs l’interviewer au début demande à Lazenby si il parlera de drogues, l'Australien lui répond "un peu" avec un sourire narquois sur les lèvres, et quand on lui demande si il parlera de sexe, l'ancien acteur lui rétorque la même réponse, mais le sourire s'est élargit un peu plus. Ces deux sujets sont abordés  mais le documentaire nous narre surtout la réussite d'un homme audacieux. Venant de Nouvelle Galles, un comté d'Australie, George débarque à Londres en 1964 à la recherche de sa fiancée à qui il voue une passion folle.

Au milieu des années 60, une des pub avec Lazenby (les femmes apprécieront le texte...)         

Après des débuts fructueux dans la vente d'automobiles, le jeune Australien entame un régime et des professionnels de la mode le remarquent. Il devient un des mannequins hommes les plus prisés en Europe. Le docu fiction nous entraîne ensuite dans le Swinging London et ses années d'insouciance. Puis il  nous montre les méthodes peu scrupuleuses des producteurs de l'époque mais surtout la décision folle de l'acteur de refuser un "pont d'or" pour embrayer sur 6 autres aventures de 007.

Presque 50 ans sépare ces deux photos

J'ai beaucoup aimé trois choses dans ce doc de Josh Greenbaum : d'abord l'histoire d'amour mouvementée avec Belinda qui lui fera tourner la tête. Ça donne un très joli moment d'émotion en voyant Lazenby, la larme à l’œil, quand il en parle. Mais aussi son audace pour obtenir le rôle tant convoité alors qu'il n'avait jamais fait l'acteur. Suivi du tourbillon médiatique autour du film et le fait de ne pas vouloir continuer à camper James Bond. D'autres aspects du doc sont un peu moins réussis, la faute en incombe surement à l'acteur qui personnifie un Lazenby léger mais manquant de charisme.

Josh Lawson (Georges Lazenby) et Kassandra Clementi (Belinda)

 L'histoire se concentre essentiellement sur les premières années quand il était Mr Tout le monde puis sur son accession au vedettariat en acceptant d'être le nouveau James Bond.

 Mais remettons les choses dans leur contexte. Quand Sean Connery rend son Walther PPK et son "permis de tuer", c'est la panique chez Eon Peoduction. L'acteur Écossais en a marre qu'on ne lui parle que de James Bond et il a envie d'élargir sa palette d'acteur avec des rôles plus "sérieux". Il part en Espagne tourner Shalako, un western sans grand relief si ce n'est le duo qu'il forme à l'écran avec Brigitte Bardot. En Angleterre c'est le branle-bas de combat, il faut absolument trouver un successeur à Connery. Les prétendants ne manquent pas à l'appel et plusieurs noms sont évoqués: Daniel Pilon, Oliver Reed, John Bingham (qui décline l'offre), Peter Snow. On trouvera même des futurs James Bond comme Timothy Dalton très interessant mais jugé trop jeune  encore Roger Moore, mais les producteurs le trouvent un peu lisse, trop "boy scout". Saltzman et Broccoli décide d'organiser un immense casting et s'orienter vers un acteur nouveau. 

Le quinté final pour le rôle. Avec de gauche à droite John Richardson, Hans de Vries, Robert Campbell, Anthony Rogers et... Georges Lazenby.

Et sur les conseils d'une amie à lui Maggie, interprétéé (et c'est une belle surprise) par l'ancienne James Bond girl Jane Seymour, Lazenby, après avoir volé le vrai costume de Sean Connery chez un tailleur, se présente au casting. Il ne sont plus que 5 à être en lice. Mais Lazenby tire son épingle du jeu. Il impressionne tellement le directeur de casting par son flegme "presque Britannique", que celui ci appelle les deux patrons de la franchise 007 en disant "Ça y est on tient le nouveau James Bond"...

Les mensonges sur l'expérience prétendue du jeune Australien s’enchaînent, et quand le pot aux roses est découvert, ça ne freine ni Broccoly ni Saltzman, bien au contraire car l'audace et la confiance en soi ont toujours été deux des "atouts maître" de l'agent secret.

Lazenby, même pendant le tournage de la séquence du Gun Barrel, n'en fait qu'a sa tête

Le tournage du sixième James Bond Au service secret de sa majesté se passe essentiellement en Suisse. L'acteur devient de plus en plus difficile à gérer. Les tensions sont palpables entre l'australien et la belle  Diana Rigg. Telly Savalas (Ernst Stavro Blofeld le méchant de l'histoire) en bon professionnel reste tranquillement en dehors des querelles de plateau.

Georges Lazenby et Telly Savalas

Quand au réalisateur Peter Hunt, il ne parle plus à l'acteur que par le biais de son assistant. En effet Hunt est excédé des caprices de Lazenby. En même temps le réalisateur ne fait rien pour épargner l'acteur. Il demande aux autres comédiens et aux membres de l'équipe de le mettre à l' écart et de lui parler le moins possible. Le but avoué de Hunt: pousser Lazenby dans ses derniers retranchements pour qu'il donne le meilleur de lui même. Forcement, la relation entre les deux hommes va se dégrader au fil du tournage. Idem avec le duo de producteurs qui l'a toujours considéré comme "un play-boy sans cervelle".

Entre Hunt et Lazenby, ce sera un bras de fer permanent tout au long du tournage.

Mais Lazenby se fout royalement de l'image qu'il donne. Il est surtout grisé par la frénésie autour du film et par son nouveau statut de superstar propulsé sous le feu des projecteurs. Il en profite un maximum, les fêtes psychédéliques s’enchaînent (on est en plein flower power) et les conquêtes s'additionnent encore plus vite que celles de 007. Quand arrive la première du film, Lazenby, toujours rebelle, refuse de raser sa barbe et provoque l'ire des producteurs.

La première du film à Londres en 1969 

Tout ce "barnum" finit par monter à la tête de l'ancien vendeur de voitures qui fait une overdose médiatique. Il refuse 1 million de dollar en cash et un contrat juteux pour enchaîner sur 6 autre productions James Bondesque. Son ego XXL et de mauvais conseils (des amis lui prédisent que la franchise touche à sa fin) le pousse à refuser.

Lazenby et Diana Rigg, couple mythique des James Bond

Après quelques passages télé pour expliquer son choix, Georges Lazenby retourne dans l'anonymat presque total. Il part se réfugier en Espagne, tourne dans quelques productions peu reluisantes et connait des déboires avec l'alcool (il avouera être allé jusqu’à deux bouteilles de vodka par jour). Après s’être marié avec Chrissie Townon qui lui donne deux enfants, il se lance dans l'immobilier ou ses talents de vendeur hors pair et son audace légendaire lui serviront. Mais il ne met pas tout à fait sa carrière s'acteur de coté.

Malgré ce soup d'éclat et et doigt d'honneur au système, on sent bien malgré ses dires que Lazenby regrettera toujours un peu sa décision. La preuve, ses multiples tentatives pour se faire à nouveau une place au soleil. Dommage que toute cette longue partie là soit éludée dans Becoming Bond.

Alors profitons en pour l évoquer ensemble: En 1972, après 2 films qui ont été des échecs ( Universal soldier et Qui l'a vu mourir?), Lazenby est résigné, l'avenir semble sombre. Mais Bruce Lee devient son professeur de karaté, il met en contact l'ex 007  avec son producteur Raymond Chow qui le signe pour être à ses côtés dans 4 films.

Georges Lazenby se recueillant près de dépouille de Bruce Lee

Mais le petit Dragon  meurt prématurément et les espoirs de Lazenby de revenir au premier plan se réduisent comme peau de chagrin. Seuls trois films se feront: Stoner se déchaine à Hong Kong (1974) l'Homme de Hong Kong (1975) et A queen's ransom (1976). (merci pour l'info Guy Eloi). La légende du karaté sera remplacée par un sombre imitateur et les trois longs métrages ne laisseront pas un souvenir impérissable aux fans de films d'action.

Lazenby karatéka... Vous la sentez la bonne odeur du nanar?

Retour à la case départ: on le retrouve en guest stars dans quelques épisodes de série tv: Matlock, Sur la piste des cheyennes, Hawai police d'état, L'homme au katana, Hotel, Franck chasseur de fauves ou encore Alerte à Malibu.. Et il va cachetonner avec quelques caméos, ou il parodie James Bond: en 1983 dans le téléfilm Le retour des agents très spéciaux ou encore dans un épisode de la série Alfred Hitchcock présent au titre évocateur: Diamonds aren't forever en 1989. 

Dans le retour des agents très spéciaux il incarne un certain J.B

C'est au début des années 90 que Lazenby retrouve des rôles plus marquant.  Il va intégrer l'équipe d'une série de 8 téléfilms érotiques sur Emmanuelle réalisé par un spécialiste du genre Francis Leroi (des dizaines de films X à son actif).

Sylvia Kristel et George Lazenby: Emmanuelle et son grand amour.

James Bande (oui je sais, elle était facile celle là)

L'inusable Sylvia Kristel reprend le rôle qui l'a rendu célèbre, Marcela Walerstein joue le personnage jeune et l'acteur Australien est Mario, un playboy  vieillissant (tu m'avais caché ça mon ami😃).  On le retrouve un peu plus tard en Major Charles (le père de Jarod) dans la série Le Caméléon.

Lazenby et Mickael T Weiss dans le Caméléon en 1999.

En 1993 il obtient un autre rôle marquant, celui de l écrivain et général sudiste James Johnston Pettigrew dans le film fleuve Gettysburgh aux cotés de Tom Berenger et Martin Sheen. Vont suivre une série de productions sans grand intérêt voire bien nanardesques comme Jumeaux, Jumeaux (1994), Star of Jaipur (1998) ou encore Spider's web (2002).

Au fil des années, Au service secret de sa majesté va devenir un incontournable de la franchise et la curiosité de voir cet unique Bond interprété par Georges Lazenby va lui donner le statut de film culte.

Au début de sa carrière, une voyante avait prédit à l'acteur qu'il connaîtrait un succès fulgurant mais qu'il aurait ensuite de gros problèmes.On rêve de ce qu'aurait pu être la carrière de Lazenby (et surement que lui en a  souvent rêvé aussi) si il avait accepté la proposition des deux producteurs de James Bond.

Mais c'est ce qui fait la magie du cinéma, ses histoires les plus rocambolesques et les plus folles, ses légendes. Car derrière la trame d'un film, il y a parfois des événements encore plus fous et c'est ce qui rend l'histoire de Lazenby si attachante.

Cette histoire vous la découvrirez (en partie) dans Becoming Bond.

Lazenby + Moore + Dalton . 3 X 007=21