ENTRETIEN AVEC ALAIN SCHLOCKOFF (Partie 1)
Créateur et rédacteur en chef de "L'écran fantastique", de sa version "reboot" et "vintage" mais aussi de "Fantastyka".
Il a aussi été producteur de cinéma, programmateur de salle de cinéma, distributeur de films pour l'étranger, gérant de studio de cinéma, auteur d'ouvrages sur le fantastique et la science fiction et créateur du festival du film fantastique de Paris.L'Ecran fantastique vintage |
Malgré sa carte de journaliste, il ne s'est jamais considéré comme tel. Je lui demande alors si on peut le qualifier "d'historien du cinéma" (le titre serait largement justifié), il n'est pas tout à fait d'accord. Lui se considère plus comme un passionné qui travaille dans le milieu du cinéma.
Sous le chapeau, Alain Schlockoff |
Déjà, je lui demande comment il vit ce confinement (qui a commencé déjà depuis 38 jours). Pour lui, ca ne change pas grand chose car il travaille beaucoup dans son bureau, à la maison. Et là il planche sur la sortie du prochain "Ecran fantastique vintage" consacré à la Hammer film (célèbre maison de productions Anglaise spécialisée dans les films fantastiques, qui a eu son heure de gloire dans les années 60). La deuxième partie du magazine parlera du Giallo (film de genre italien mêlant thriller et horreur avec un soupçon d'érotisme, dont les grands représentants sont Mario Bava ou Dario Argento).
Alain Schlockoff vit même ce confinement comme une certaine renaissance. Effectivement quelques mois avant, il a été très malade. Si malade, qu'il pensait ne pas s'en sortir. Paradoxalement, son retour en forme a coïncidé avec le début du confinement. Et là, petit à petit, il retrouve un bon état de santé.Tant mieux, Alain, car on a hâte de découvrir tous vos futurs projets!
Bien sur on évoque les personnes malades du virus et celles en difficulté (parfois seules), pour qui ce printemps 2020 se passe difficilement.
On évoque aussi Norbert Moutier (un grand ami d'Alain). Il était, lui aussi, un grand spécialiste du cinéma fantastique. Très connu dans le milieu, il avait créé l'excellent fanzine thématique "Monster Bis". Chaque numéro portait sur une légende du "cinéma de genre": Franco Nero, Lucio Fulci, Barbara Steele, Jesus Franco ou encore Laya Raki. Bref des dizaines de numéros sont sortis et certains encore disponibles.
Norbert Moutier a été également scénariste et réalisateur. Il a tourné en 16 mm, en 35 mm puis en vidéo (faute de moyen). Parmi ses films on se souviendra de Mad Mutilator ou Dinosaur from the deep. Triste en évoquant son ami, Alain me parle d' un "numéro hommage" sur Norbert qui finalement ne se fera pas. Norbert Moutier nous a quitté le 27 janvier 2020, à l'âge de 78 ans.
Une des réalisations de Norbert Moutier |
Alain, racontez moi la genèse de l'Ecran Fantastique...
En 1967, j'ai crée un fanzine qui s'appelait Horizon et fantastique. Il a eut beaucoup de succès. Dès le numéro 2, la revue s'est professionnalisée. Comme j'étais mineur à l'époque, je n'ai pas pu déposer le titre. C'est mon associé (en qui j'avais toute confiance) qui l'a fait à ma place.
J'ai rapidement vu qu'il essayait de me berner, et au bout de 4 ou 5 numéros, je me suis retiré. La goutte d'eau a été quand il a voulu faire un spécial catch (parce qu'on avait des sponsors liés au catch). J'aime bien ce sport, mais quand même!
L'Ecran fantastique à l'époque du fanzinat |
Je n'envisageais pas de passer pro mais j'ai quand même déposé le titre (cette fois j'étais majeur). Le 1er numéro a été tiré a 200 exemplaires, puis 600 rapidement.
En moins d'1 an, une société m'a proposé de passer professionnel. J'ai finalement accepté et le 1er numéro pro a été tiré à 5000 exemplaires et bientôt ce fut 15000.
Passez d'un fanzine à un magazine professionnel, ça change quoi concrètement?
Presque tout. Un fanzine vous êtes libre, vous pouvez faire ce que vous voulez. Vous n'avez pas de compte à rendre.
Des que vous passez pro, il y a des intérêts commerciaux en jeu. Par contre, votre travail va forcement toucher plus de monde.
J'ai acheté mon premier EF en 1985, car il y avait un article sur Sherlock Holmes dedans... Ca faisait déjà 16 ans que le magasine existait. Là nous sommes en 2020... Le magasine existe toujours (et il a fêté ses 50 ans l'année dernière), c'est rare dans le monde de l'édition. On sent votre curiosité et votre enthousiasme toujours intacts, c'est le cas?
Tout à fait, le pire c'est que j'ai l'impression de rajeunir, ça doit être la sénilité qui fait cet effet là (rires). Je suis toujours curieux, toujours intéressé, toujours positif.
Le premier EF que j'ai acheté (en 1985, j'avais 13 ans) avec un dossier sur Sherlock Holmes, un trésor pour moi... |
Pas vraiment, même si c'est vrai que les années 90, au niveau de l'actualité des films, c'était pas terrible.
Mais sinon non ,j'aime autant les films plus anciens que les récents. Pour moi c'est un tout.
Et il y aura toujours des films à découvrir.
Là on fait un spécial Hammer (célèbre maison de production Anglaise spécialisée dans le fantastique), un sujet que je connais bien, et pourtant je découvre encore des pépites qu'ils ont produit comme The maniac (1963).
Avant d'être le docteur Watson en 1965 dans A study in terror, Donald Houston était The maniac |
Dans l'EF n°8? il y a un dossier fleuve sur Starcrash (sorte de Star wars italien) avec l'interview du réalisateur Luigi Cozzi. En le relisant, je me suis dis que c'était l'exemple type ou parfois l'article (grâce à vos soins) était beaucoup plus passionnant que le film en lui même...
Un de mes collaborateurs Jean Pierre Fontana revenait de Rome (je travaille toujours avec lui d'ailleurs), emballé par les rush qu'il avait vu du film. Le projet était excitant: un space opera européen avec des vedettes internationales ( Christopher Plummer, Caroline Munro, David Hasselohff). On en attendait beaucoup. Cozzi le réalisateur était réellement un passionné. Et la musique du film allait être composée par John Barry (le célèbre thème musical d'Amicalement vôtre la musique de plusieurs James Bond). Bref, tout cela nous réjouissait...
Starcrash . Caroline Munro et un ami... |
Quand le film est sorti, on a fait venir Cozzi et Caroline Munro pour le présenter au Festival du film fantastique que j'organisais au Grand Rex.
Dans la salle il y avait un monde fou et ça c'est très bien passé.
Peut être que si on avait vu le film seul, dans une petite salle avec une autre ambiance, on aurait eu certainement un autre jugement.
Intrinsèquement, j'ai mon avis sur le film: j'ai été très déçu. Mais c'est resté un évènement à l'époque.
C'est marrant que vous me posiez cette question car justement je dois le revoir assez vite pour écrire une préface sur un livre qui sera consacré à Star crash.
Quand je revois les couvertures des premiers EF, ce sont souvent des peintures magnifiques dignes des meilleures couvertures de livres de Science fiction (comme la collection Présence du futur). Maintenant c'est souvent une image tirée du film, c'est dommage, non?
C'est très important une bonne couverture. Je suis propriétaire du magazine mais je n'en suis pas l'éditeur (une vingtaine se sont succédés depuis le début des années 70).
Dans le journal, ils nous laissent faire ce que l'on veut, mais parfois ils ont des exigences sur la couverture...
L écran fantastique n°8 et sa couverture magnifique |
Dernièrement la couverture que je trouve un peu ratée c'est celle sur le "spécial Lovecraft". On en avait prévu une très belle mais l'éditeur m'a proposé de mettre le visage de l'écrivain à la place. J'adore son œuvre mais il faut dire qu'il n'était pas très beau. On se retrouve avec un type moche en couv. On aurait du la retravailler. Là, ça en fait une couverture à demi ratée.
Comment faisiez vous avant Internet pour avoir des filmographies autant détaillées et aussi bien documentées?
Je suis passionné par tout ce qui concerne les fiches techniques. J'aime quand c'est extrêmement
détaillé et précis. J'ai supervisé toutes les filmos dans mes magazines.
On bossait beaucoup avec des bulletins professionnels, des revues de presse, et toute la doc qu'on allait chercher, c'était un travail de précision mais de longue haleine.
Alain Schlockoff |
Aujourd'hui, il y a un très bon site sur le sujet: c'est IMDB. Ils sont très calés sur les films américains mais on retrouve quelques erreurs sur les films Européens (la date justement et parfois le même film cité deux fois mais avec deux noms différents
FIN DE LA PARTIE 1 (à suivre)
C est passionnant !!! C est trop court !!
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